Gracianne Hastoy

Gracianne Hastoy

 

Labarrère:

extraits choisis...

Avec l'aimable autorisation des éditions atlantica, nous vous offrons, en exclusivité, quelques extraits de ce livre qui sortira en librairie le 21 mars prochain.

Labarrère, vedette à la télévision au Québec...

«L'émission, hebdomadaire, est divisée en trois parties. Le titre bien choisi. « Pattes de mouche » peut assurer le succès à son animateur.

Dans un premier temps, quelques préceptes de graphologie. Ensuite c 'est le courrier des lecteurs. Parmi les quelque deux-mille lettres reçues chaque semaine, il en choisit une dizaine, et s'exprime sur la personnalité révélée de ces lecteurs qu'il ne connaît pas, mais apprend à discerner dans les caractéristiques imprimées de leur écriture. La troisième partie est la plus spectaculaire. Dissimulée derrière un rideau, sur le studio de télévision, une personnalité publique se fait silencieuse, tandis qu'André, sans même savoir s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, dresse le portrait de son invité surprise par le biais de l'analyse de ses écrits.

Plus d'une fois, cette dernière partie se montre surprenante et dépasse tous les records d'audience. Ce jour-là, cependant, personne ne s 'attend au dénouement étonnant qui se prépare.

Dans le studio, concentré, André est prolixe. Deux caméraman sont placés de chaque côté du rideau dans le studio. Ils filment les deux intervenants, présentateur et invité. André, inspiré, s'élance. Sachant qu 'au Canada, on est friand de détails sexuels quand il s'agit de Français, ces fameux « french lovers », il part dans une démonstration flagrante et sans prendre de gants : - Vous êtes un homme. Monsieur, c'est une catastrophe, vous vous tapez n'importe quoi. Les chiens, les chats, les chèvres, les minets, les minettes, tout y passe. Vous avez une vie sexuelle totalement débridée. Il relève les yeux et voit alors le caméraman, en plein fou- rire. Dans sa tête, un petit voyant rouge s'allume. Bon sang, qui peut bien être derrière le rideau ? Il est trop tard, de toutes façons, et il préfère finir avec brio ce qu 'il a entamé.

Enfin, et tandis que le caméraman continue de rire aux éclats, les deux hommes sont mis en présence. André Labarrère salue alors celui qui lui est présenté : le cardinal-archevêque de Montréal. En personne».
Labarrère, homme d'écriture... «Il saisit son stylo, un Pilot-ball pour les fétichistes, et de son écriture fine et serrée, presque fermée - hors de question ici de s'essayer à la moindre analyse graphologique -, il rédige des pages et des pages. Moment de réflexion. Ses doigts fins et racés, presque féminins, ongles impeccables, caressent alors la feuille blanche. Souvent -s'en rend-il compte ?- dans sa façon déposer ses mains, de les joindre, il ressemble à François Mitterrand.

Gracianne Hastoy

Peut-être un mimétisme choisi, voulu. Pas forcément non plus. Il est capable de rester huit heures de suite à sa table de travail, de tout oublier. La musique l'accompagne dans la voltige des mots. Toujours du classique, Mozart, Bach ou les opéras italiens de Verdi. Et si vraiment, il veut se faire plaisir, alors il place sur la platine son disque préféré : «Tristan et Yseult » de Wagner. En revanche, il déteste le Rock and roll. Il faut dire que ce type de musique s'accorde mal avec la création littéraire. Il sait qu'à midi, il va certainement oublier de manger. Cela lui arrive assez fréquemment. Il n'est pas du genre à dévorer, mais en état d'écriture, c 'est encore pire. Il en vient à tout omettre et même les repas. Il n'aurait rien, cependant, contre un bon « tourin », soupe à l'ail et à la tomate, son plat préféré, ou des cuisses de grenouille qu'il avoue apprécier par dessus tout. Il a un sourire en se remémorant sa jeunesse, quand il concoctait, exceptionnellement mais avec beaucoup d'orgueil, une merveilleuse escalope de veau à la crème pour ses copains. Mais à vrai dire, c 'est aussi l'avantage des célibataires : ils sont souvent invités et n 'ont pas à passer des heures devant les fourneaux.

Où en est-il déjà ? Ah oui... son héros vient de rejoindre Maximilien de Mauveclair, pour vivre avec lui. Il replonge, et bientôt la faim et les heures n 'ont plus de prise sur lui».
Labarrère, Aimer encore une fois...

«Si on lui avait annoncé qu'il vieillirait en aimant, vraiment... A la mort de Pierre, il a pensé que c 'était fini. Définitivement. Rayé des listings de Cupidon. Inapte. Et la vie qui s'amuse et le nargue... Lui, l'homme de l'instant, qui n'aime guère s'appesantir sur les passés, ou regarder trop loin devant. Il est servi. En ce moment ? Il aime, et il est aimé. C'est peut-être une chance inespérée. S'il établit un bilan quantifié, à l'imparfait, André se définit lui- même comme ayant été une « love machine ». Déclin physique aidant, il pose un verdict intransigeant : « C'était n 'importe quoi. Mais c'est pas l'amour. Aimer vraiment... »

Aimer vraiment, c 'est différent. Et d'ailleurs, s'il y réfléchit vraiment, il a attendu bien tard pour murmurer son premier aveu d'amour. A 41 ans. Avant, c 'était sexuel, il ne faut pas tout mélanger. Aimer bien ou beaucoup n 'est pas aimer. Il refait couler l'écheveau du temps. Dans cette vie, il aura aimé trois fois. Pour de vrai. Parce qu 'il faut aussi de la symétrie pour poser le terme d'amour sur une histoire. Ce n'est pas beaucoup, somme toute...»

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Modifié le 09 - 12 - 2010
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