Gracianne Hastoy

Gracianne Hastoy

 

Règlements de comptes d'auteurs De Gracianne Hastoy
Editions  atlantica  et  Emma Floré .

Soixante-dix pages d'un amour-passion, d'angoisse et de colère: ce livre est consacré à l'écriture dont nous découvrons le nom dans les der­nières lignes : "Ah! tu m auras mené la vie bien dure, mon harassante, mon exclusive, ma définitive... mon écriture".
"Dans écriture, il y a cri" dit Gabriel Matzneff dans Le taureau de Phalaris et le livre de Gracianne Hastoy est une succession de cris. C'est un livre qu'il faut lire d'un trait et relire avec délectation, tant l'écriture est forte et vraie.
Pour l'auteur, l'écriture est une passion dévorante : elle est "son plus bel et son pire amour..., un plaisir solitaire, une jouissance personnelle, un fantasme originel... une vilaine maîtresse." Cet amour est exclusif a tel point que l'auteur se sent en permanence à côté du vécu, du quotidien "une amputée de l'existence qui écrit mieux qu'elle ne la vit". Dans le chapitre Toi à la folie, elle déclare à son écriture "Tu es si obsédante. Tu éloignes de tout : des amis, de la famille, du travail, de la société"
Pour Gracianne Hastoy, l'amour de l'écriture est une nécessité qu'elle place au dessus de tout; elle ne peut s'exprimer autrement : "Dit-on ce que l'on vit à l'être avec lequel on vit?" Il vaut mieux lui écrire avec des mots et "rendre le monde plus beau avec des mots". Elle nous déclare même que "si les couples s'écrivaient, ils s'aimeraient peut-être mieux". Ces mots, elle les compare à des chats qui "en ronronnements séducteurs, me tournent autour. Viens, viens, semblent-ils me dire. Et si je les déçois, d'un coup de griffe, d'une absence de rime, ils me quittent et me signifient leur mécontentement."
L'auteur ne veut pas une écriture qui serait, aux yeux de certains, une marotte du style ne "c'est bien, ça l'occupe" mais un métier véritable. Elle le justifie par cette angoisse de "se lever un matin sans plus de mots à jeter sur le papier." Elle souligne cette difficulté professionnelle que sont la précarité de la pensée ou l'instantané des mots toujours plus exigeants. Elle souhaiterait qu'un inventeur découvre un "stylet dont la connexion serait reliée au cerveau." Alors que Genêt écrivait pour qu'on l'aime, elle écrit pour jouer avec les mots.
Et l'auteur de partir en guerre contre ceux ( proxénètes-éditeurs-diffuseurs-libraires-parfois auteurs) qui prétendent que l'auteur doit avoir un autre métier que l'écriture, ceux qui ignorent cette exigence de la maturation pour écrire un livre, qui "exigent de la production, pas de la pensée, non, uniquement du rendement, du rentable."
L'auteur a des mots durs à l'égard du Salon du Livre à Paris où les écrivains ressemblent a "des commerciaux de banque, ravis de pavaner dans ce paradis îles hypocrisies obligatoires". Et d'ajouter: "On a le moi pour rire, son mot à dire, on s'y paye de mots".
Gracianne Hastoy règle ses comptes avec tous ceux qui cherchent son empreinte dans ses livres alors qu' "il n'y a pas de message sublininal... parce que je ne suis pas assez futée ou tordue pour cela." Elle se dit "harassée par celte société druckerisée. adepte de gentillesses et de petits plaisirs sucrés" et elle reproche à son amour, l'écriture d'avoir des amis qui ne sont "guère enviants ni recommandables."
Elle s'attaque a ces faux écrivains: acteur, chanteur, producteur, blonde, lofteur. prostituée, voleur en prison, gardien de prison, et parfois même il est de bon ton d'avoir tué parce que "l'enfance douloureuse d'une petite chanteuse américaine à laquelle on a vole un jour son nounours. la traumatisant à tout jamais, je m en fiche!"
Nous songeons à l'essai de Sartre "Sur la situation de l'écrivain" qui parlait déjà, en 1947, d' «Inflation littéraire.» Les "coquets... ceux qui achètent les livres pour leur couverture, destinés à leur décoration intérieure mais en aucun cas pour avaler des mois" passent également à la trappe. Pour l'auteur, seuls les mots comptent même lorsqu'ils paraissent décousus: "J'aime cette expression décousus, elle préfigure de l'existence de mots cousus. Les écrivains, font du tricot et parfois des dentelles. Pour des livres qui seraient des tricots de mots". C'est Raymond Devos qui apprécierait cette expression!
L'auteur prétend également que notre société Contemporaine n'aime pas ses écrivains, "elle ne chouchoute pas ses penseurs et les laisse crever de faim. Plus de statut d'intermittent pour les amateurs, rien a voir avec les musiciens ou les clowns." Cette soif de reconnaissance, et de considération, l'auteur la dédaigne tout en la réclamant ! Elle aurait préféré l'époque des années 50 où Julien Gracq décrivait le Français comme quelqu'un qui croyait ses grands écrivains (La littérature à l'estomac).
L'autre sujet de discussion. c'est la réduction de l'écriture au tricotage de mots. Il ne s'agit pas de souscrire au jugement sévère de Cioran, pourtant grand expert en mots, qui écrivait: "Le véritable écrivain écrit sur les êtres, les choses et les événements. Il n'écrit pas sur l'écrire, il se sert de mots mais ne s'attarde pas aux mots, n'en fait pas l'objet de ses ruminations. Il sera tout sauf un anatomiste du Verbe. La dissection du langage est la marotte de ceux qui, n'ayant rien à dire, se confinent dans le dire".
Mais nous devons bien convenir que les mots seuls, même s'ils sont bien "tricotés", ne sont pas suffisants pour faire naître des idées et les faire vivre. C'est un autre débat et le livre de Gracianne Hastoy malgré son côté pamphlétaire en est une excellente contribution.

Vincent Dubecq Le journal de Biarritz

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Modifié le 09 - 12 - 2010
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