Gracianne Hastoy

Gracianne Hastoy

 

POESIADES 2005

Il y a, c’est désolant, la poésie qui rime avec consultation gratuite chez le psy. C’est, entendez-le bien, normal que l’âme se glisse dans l’art. Mais trop d’âme tue l’art, et tous ces gens qui parlent trop ne créent pas. Ils copient souvent, et dévoient ce que d’autres bien longtemps avant ont hélas mieux exprimés qu’eux. La souffrance est, elle, n’en déplaise aux présomptueux, universelle.

Il y a, c’est pire, la poésie qui rime avec énurésie, déversée, mal contrôlée, parfois humiliante pour son lecteur, quand s’y mêlent les phrases plates, les consonances sordides, les rimes stupides, et les idées mal agencées.

Il y a, vous en conviendrez, la poésie qui rime avec hérésie, faussement débridée, imaginative pour ne pas être comprise, dissimulant ses médiocrités derrière des vers compliqués. Il ne faudrait pas pousser, et prendre le lecteur pour un imbécile. Le poète incompris devrait se poser les véritables questions sur ce qui suscite parfois tant d’incompréhension…

Il y a encore, c’est si fréquent, les poètes qui ont rendu la nature moins belle à tant la conter de façon banale et édulcorée. Des romantiques à la petite semaine, sans talent pour dire le bucolique et les fleurs des chemins. Attristant. (sans Yseult).

Il y a, il y a, des mots qu’on ne devrait pas salir de les si mal employer, des sentiments qu’il faudrait éviter de raconter si c’est pour mal les sublimer, des errances personnelles qui n’intéressent personne, des voyages intérieurs qui méritent de le rester.

Ah mais je critique et vous allez penser que mes méchantes phrases vous sont dirigées. Bien sur que non ! Vous, ici, savez que la poésie n’est pas chose aisée.

Que croient donc ces faux poètes, qu’il suffirait d’aligner dix phrases pour ressembler à Rimbaud ou à Baudelaire ? Qu’il serait évident d’égaler Verlaine ? Qu’éparpillés sur la feuille, leurs manques d’originalités et d’idées deviendront invisibles dans l’encre belle des cahiers ? Je ne puis même pas les comparer aux faussaires de la peinture, aux nègres de la littérature, ni aux musiciens des bals de province. Ces derniers ont souvent du talent. La poésie, elle, est inflexible au point de ne pas tolérer l’once d’un manque de qualité. Il n’y a pas de faux poètes. Il y a les vrais… ou rien. Heureusement qu’il y a l’adolescence pour servir, souvent, de filtre. Là, se construisent les vraies vocations, où se tuent d’eux-mêmes les mauvais alexandrins, et les sales quatrains.

Les Poésiades s’attacheront toujours à primer la qualité. Cette année encore, de beaux textes ont été choisis. Leur sujet n’a rien de trop facile, d’aseptisé ou de convenu. Ici, on choisit la difficulté. Nous aurons illustré les ombres des amours qui partent, les heures enchaînées, les larmes nées de la mort d’un père, ou le destin d’une Pénélope, rien d’autre qu’une araignée. N’allez pas nous croire agités de sombres pensées, tristes et prêts à déprimer. Non, c’est le talent par ces mots-là que nous avons choisi de faire gagner. Pas les mots faciles, pas les évidences, pas les convenances. Et n’en déplaise à notre subjectivité de lecteurs alimentée par la vôtre de créateurs, nous assumons, et réitérerons assurément l’exploit : élire l’unicité et l’originalité. Remerciez notre intransigeance, elle fait rejaillir vos aptitudes bordées d’intelligence. Parce que nous savons vos espoirs, vos attentes, et vos petits grains de génie, et sommes fiers d’avoir le choix et la liberté de les primer. Il n’est rien de tel que d’éprouver ses mots au verdict des lecteurs. Merci de vous y être prêtés, d’avoir fait l’effort de gagner, mais aussi d’avoir su perdre sans jamais renoncer.

Gracianne HASTOY

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Modifié le 09 - 12 - 2010
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